De Taipei à Tainan, jour 4. Aujourd’hui, c’est lundi. Et le lundi, je me pose toujours trop de questions.
Donc, c’est lundi, je me suis levé trop tôt car une longue journée m’attend, et ça ne me réussit pas. De me lever trop tôt.
Enfin, au début ça va. Sur mon chemin vers la gare centrale de Taipei, je déambule dans le quartier populaire de mes hôtes pour rejoindre mon arrêt de bus. Bah oui, l’intérêt touristique primant sur l’aspect pratique, l’aventure du bus tout en chinois paraît plus drôle que le métro tout briqué en double langage.
Mais je m’égare. Dans mon récit, pas sur ma route hein. Cela ne m’arrive jamais.
Me voici donc arpentant quelques ruelles où fleure bon une atmosphère qui semble être figée dans un temps… autre. Les immeubles, quoiqu’entretenus, font leur âge. À leur pied, des commerces sortis d’un autre siècle, des hordes de scooters, des meutes de mamies qui font leur gymnastique en groupe. Pourtant, des gratte-ciels contemporains parachèvent le tableau en arrière plan. Jusqu’ici tout va bien. La gare recèle une surprise. Mon train, un HSR (High Speed Rail), le train à grande vitesse taïwanais, m’attend dans un niveau souterrain qui sent bon le neuf et une organisation millimétrée. Normal puisque j’y retrouve une vieille connaissance, le futuriste Shinkansen japonais. D’ailleurs, lui aussi renferme une surprise : des distributeurs de boissons pas chers. DIS LA SNCF, TU VOUDRAIS PAS PRENDRE EXEMPLE ?
Lors de mes voyages, pendant les trajets, j’ai l’habitude de travailler mes photos ou de dormir. Que fais-je cette fois, en levant le nez de mon écran ? Perdu. Je reste subjugué devant les paysages de la campagne taïwanaise qui me ramènent dans le passé. Puis, en descendant du Shinkansen dans une gare flambant neuve surclimatisée à l’intérieur, mais dardant, jurant même, parmi les champs verts vif, le tout baignant dans ce climat qui m’écrase de sa chaleur, je commence à me demander dans quelle époque vit ce pays. Le HSR ne dispose pourtant pas d’un convecteur temporel, nom de Zeus !
En cherchant mes réponses dans la navette m’amenant au centre de Tainan, j’oublie d’immortaliser ce qui est l’autocar le plus kitsch que j’ai jamais emprunté. Je suis presque rassuré en voyant ce magasin fourré de télés cathodiques d’une antépénultième décennie. Ce chien sur un scooter fatigué devant un camion rouillé. (Pause bouffe.) Cette ruelle paisible avec une hybride dernier cri. Ce temple traditionnel bourré de bougies qui sont en fait des diodes. Un énième scooter taïwanais, modèle électrique ultra moderne avec son casque Hello Kitty. (Pause bouffe.) Je plonge me réfugier dans les rues historiques où fleurissent des magasins colorés bardés d’enseignes criardes. Un nouveau temple devant lequel passe une chatoyante berline allemande. (Pause bouffe.) (Chez Starbucks ? AAAH !) Un McDo ! Encore Hello Kitty sur encore une Micra massacrée ! Mais, c’est quoi leur problème avec les Micra dans ce pays ? Vite, du traditionnel ! Un vieux qui fait la sieste ! Oui ! Une école avec ses élèves en uniforme jouant au diabolo ! Oh oui encore ! Des lions impérieux qui gardent un temple ! Faites que ça dure ! Une vie de quartier ! Han, merci ! Un bon vieux temple ! Je jouis.
Mes pérégrinations m’ont amené au Fort Zeelandia, aussi appelé Anping Fort – Anping étant le district à l’ouest de Tainan. Cette construction est une forteresse construite par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales du temps où les Hollandais contrôlaient la côte ouest de Taïwan, au cours du XVIIe siècle. Un vieux machin en briques ; quoi d’exceptionnel pour nous ? Pourtant, c’est inaccoutumé là-bas. À mes yeux (répugnés par le colonialisme) cette visite ne présente que peu d’intérêt, hormis la tour d’observation donnant une vue panoramique sur les alentours. #TraduisonsLes : tu verras mieux dans l’article consacré aux curiosités de Tainan. Chose insolite : les briques ne pouvant être fabriquées sur place, elles ont été importées de Java, alors que le mortier est un mélange de sucre, de sable, de sédiments littoraux carbonatés et de colle de riz.
Si je résume. Je suis confondu par un pays qui arrive à vivre son présent tout en ayant un pied dans le passé et l’autre dans le futur, alors que je suis habitué à… non mais on s’en fout. Somme toute, un appui multiple gage de stabilité et de sérénité ? Las, je prends la direction de la plage, spot préféré des photographes de mariage, pour terminer la journée en compagnie des paisibles pêcheurs. Réflexion faite au calme, il y a bien un point commun entre toutes ces photos. Peu importent les contrastes et les anachronismes, un sentiment domine : la quiétude, teintée d’humanité, de Taïwan. Finalement, c’était plutôt une bonne journée pour un lundi.
Et avec le beau temps !
Avec un vrai beau temps tropical qui fait boire des litres et des litres par jour !
Les photos rendent bien ces contrastes qui ont l’air assez dingues entre vieux quartiers traditionnels et percées ultra-modernes, du coup je me dis que d’un point de vue photographique ça doit être effectivement assez jouissif !
Mais tellement !
Avant d’y aller je m’étais dit « Allez Denis, tu déconnes pas, tu ramènes moins de photos de Taïwan que du Japon. »
Raté :’)