Taipei, jours 7 à 10. Tu t’attends à ce que je te dise que j’ai eu beau temps ? Et bien j’aurais aimé. Peu importe, après l’article consacré aux curiosités à voir par temps maussade, voici quoi faire à Taipei lorsque le climat est de la partie. Ou pas.
Marche revigorante du matin : Sanctuaire des Martyrs de la révolution
(National Revolutionary Martyrs’ Shrine – 國民革命忠烈祠)
Non pas le sanctuaire soit particulièrement étendu. Mais en fonction du métro que tu choisis, tu auras à marcher entre 1,5 et 2 kilomètres pour y parvenir, que ce soit depuis la ligne Tamsui-Xinyi ou la ligne Wenhu. Sinon il y a le bus. LE FOUTU BUS QUI N’EST JAMAIS VENU.
Revenons à nos martyrs. Ce sanctuaire de 1988 est dédié à tous ceux qui sont morts pour la patrie. Comme un monument aux morts, mais à l’échelle du pays, puisqu’on y rend hommage à 390 000 personnes. Beaucoup pour Taïwan hein ? Sauf que, si tu te souviens bien, Taïwan prétend être la vraie République de Chine – plus de détails plus bas. Par conséquent il n’y a pas les noms que de Taïwanais de Taïwan, les Taïwanais de Chine qui seraient aussi les vrais Chinois de Taïwan sont aussi là. Enfin, je crois. Hein ? Bref. Les spécialistes conseilleront d’assister à la relève des gardes et noteront la ressemblance du Sanctuaire des Martyrs avec la Salle de l’Harmonie Suprême de la Cité interdite de Pékin. Enfin, Beijing. Ah zuteuh !
Site Internet et Page Wikipedia (anglais)
Ouvert tous les jours de 9 h à 17 h
Suite de la marche : des danseurs de Yuansha aux vendeurs de Dihua street (迪化街)
Il fait beau, je vais te faire marcher. En revenant vers le métro Yuancha que tu ne prendras pas (TOUT COMME LE BUS), entre l’orée du parc éponyme et l’Expo Dome, peut-être croiseras-tu quelques danseurs. Si tu fouilles bien la ville, tu trouveras d’autres lieux de réunion pour les jeunes qui dansent en groupe. Puis, puisqu’il faut beau, pourquoi ne pas marcher, se perdre, avant d’arriver à la rue Dihua ? L’occasion de grignoter quelques mets inconnus ; la marche ça creuse. Puis, Dihua street. Avec des sections dont l’existence remonte au XVIIe siècle et une construction telle qu’on la connaît aujourd’hui vers 1850, il s’agit de la plus ancienne rue de Taipei. Comme on y trouve une palanquée de boutiques « traditionnelles » vendant herbes médicinales, épices, thés, tissus et plein d’autres trucs typiques, voilà le lieu où acheter le souvenir que tu ramèneras à mamie.
Pause ! Temple Xiahai (Xiahai City God Temple – 台北霞海城隍廟)
Mais courte la pause, parce qu’aujourd’hui, tu marches. De toute façon, ce temple est tout petit. Et vieux, puisque datant de la même époque que la rue Dihua où il se trouve, l’achèvement de sa construction remontant à 1859. Mais important, puisqu’il est dédié au dieu de la ville, Xia-Hai. Ainsi que sa femme. Et à Yue Lao, le Cupidon chinois. Puis à 600 autres divinités, tant qu’à faire. Boum. Ce qui en fait le temple avec la plus grande densité de statues. Tiens, faudra que je prenne ça en photo la prochaine fois. Traditionnellement on venait y chercher paix et prospérité. Maintenant, c’est plutôt pour trouver un bon parti et s’assurer d’un mariage heureux.
Site Internet
Ouvert tous les jours de 6 h à 21 h
Un saut de puce vers le marché aux tissus de Yongle (Yongle fabric market – 永樂布業商場)
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’est pas loin. La mauvaise, c’est que le marché était fermé pour une durée qui semblait conséquente lors de ma visite. Existe-t-il encore ? Oui d’après ce moteur de recherche, mais il peut sembler judicieux de se renseigner avant de s’y pointer.
Interlude Micra bizarre
Non mais il y en a dans toutes les villes. C’EST PAS UN PRÉTEXTE POUR PRENDRE LE BUS.
Après-midi gros monument : Mémorial Tchang Kaï-chek (Chiang Kai-Shek Memorial – 國立中正紀念堂)
Comme son nom l’indique, c’est un mémorial. Dédié à Tchang Kaï-chek. Des questions ?
Okay. C’est un mémorial de 25 hectares dédié au premier président de la République de Chine. Bon, si tu suis tu sais que La République de Chine est en fait Taïwan et pas la République populaire de Chine qui est le pays qu’on appelle habituellement Chine. Sauf que Tchang Kaï-chek est devenu président de la République de Chine avant la République populaire de Chine, donc encore en Chine « continentale ». En 1949 Mao Zedong proclame l’avènement de la République populaire de Chine, ce qui contraint le gusse et son équipe à fuir vers Taïwan, suivis par 2 millions de personnes le préférant au nouveau régime. Et tu vas me rétorquer qu’on ne s’empare pas d’un territoire pour s’y établir pépouze. Normalement, non. À Taïwan, si.
Parce qu’on n’a jamais foutu la paix à ses aborigènes : à partir du XVIe siècle Taïwan a dépendu de la Hollande, colonisation dont on trouve encore les traces à Tainan, des générations de Chinois s’y sont installés avant et après la libération par Koxinga, la Chine a finalement pris son contrôle sous les Qing, la France l’a même bombardée, la Chine l’a cédée au Japon, Taïwan est devenue indépendante sans l’accord du Japon qui la réintègre dans son empire colonial (dissout en 1945), est rétrocédée à la Chine sous tutelle des États-Unis. Et tout ça c’est juste sur 300 ans – parce qu’on me souffle dans l’oreillette que les Chinois et les Portugais ont déjà fait du tourisme conquistatoire par le passé. Tchang Kaï-chek ayant imposé le pouvoir chinois à grands coups de massacres pour étouffer la rébellion, avec 30 000 morts en 1947, c’est naturellement que le président-dictateur s’y installe quand ça sent le roussi pour lui sur le continent. Voilà pourquoi à Beijing on considère que l’île n’est qu’une province de la République populaire de Chine, et pourquoi à Taipei on considère être la vraie République de Chine souverain sur l’ensemble du territoire de Chine. Et comme l’histoire n’est pas terminée, je la poursuis plus bas pour maintenant revenir au monument.
Le dirigeant reste à la tête du pays jusqu’à sa mort en 1975. Un « comité d’obsèques » décide alors la construction de ce grand mémorial. Depuis, Taïwan est devenue une démocratie, avec un système bipartite depuis 1986. L’actuelle Présidente appartient d’ailleurs au parti d’opposition au Kuomintang nationaliste de Tchang Kaï-chek. Boum le problème : une des plus grandes attractions touristiques du pays est dédié à un dictateur nationaliste qui a fait tuer plusieurs dizaines de milliers de personnes sur son propre territoire. Sans surprise, le lieu a déjà changé plusieurs fois de nom et des projets visent à lui donner une portée plus large.
Tiens, des danseurs !
Site Internet et Page Wikipedia
Ouvert tous les jours de 9h à 18 h.
L’histoire n’est donc pas terminée puisque nous avons 2 Chines qui pèsent sur le monde économique et politique. Par intérêt économique, et avec le soutien des États-Unis anti communistes et donc anti Chine de Mao, la communauté internationale soutint la Chine de Taïwan dans les années 1950, allant même jusqu’à nier l’existence de la République populaire de Chine. Taipei est alors suffisamment puissante pour faire partie du conseil de sécurité de l’ONU. Mais seulement jusqu’en 1971, quand Beijing fut appelée à siéger à son tour à l’ONU pour représenter la Chine et que l’administration de Tchang Kaï-chek, refusant cet état de fait, se fit évincer de l’organisation. Aujourd’hui, seulement 18 nations reconnaissent Taïwan comme un pays à part entière !
Le dirigeant mégalomane étant enterré depuis longtemps, pourquoi ne pas enfin solutionner la situation ? Pas si simple. L’indépendance ? Bien que 98 % de la population de Taïwan soit d’origine chinoise il existe désormais une identité taïwanaise, et c’est cette solution qui récolte le plus d’opinions favorables. Mais. Beijing menace de représailles militaires si Taipei déclare son indépendance. Et pratiquement aucun pays n’a envie de se fâcher avec la Chine ou Taïwan. Solution donc peu probable. La réunification ? Idée la moins plébiscitée, les 2 systèmes politiques étant très différents. Finalement, bien que ce ne soit pas la solution la plus populaire, les Taïwanais se satisfont du statu quo qui permet de conserver identité, système politique, et d’entretenir des échanges économiques dans le monde entier.
Fin de journée spirituelle : Temple Lungshan (Lungshan Temple – 龍山寺)
On dit de Lungshan qu’il est le temple le plus célèbre de Taipei. Et comme je suis un peu fainéant, j’y suis allé (à pied et PAS EN BUS.) Et c’est aussi un des plus gros. Et des plus anciens. Puis il y a des dragons sur le toit, des dragons quoi ! Ses origines remontent à 1738, où des colons chinois le fondent (et le nomment) d’après un temple de leur région d’origine. Néanmoins les bâtiments actuels ont été progressivement érigés pendant le XXe siècle. Ici sont vénérés des divinités bouddhistes et chinoises, principalement Guan-Yin, bodhisattva associé au concept de la compassion, dans un gracieux ballet de bougies et d’encens luisant à la tombée de la nuit.
Et hop, après cette radieuse journée (grrr), il n’y a plus qu’à trouver d’autres idées de sortie à Taipei et aller baffrer dans un des multiples marchés de nuit de Taipei !