Après une première série de manifestations, les taxis remettent le couvert cette semaine. Au soir du 28 janvier 2016, à quoi ressemble la porte Maillot ?
Place de l’Étoile, 28 janvier 2016, presque 23 heures. Quelques pétards se font entendre en direction de la porte Maillot. Par chance, j’ai l’appareil photo dans le sac à dos. Me voici descendant l’avenue de la Grande Armée.
À mi chemin, l’avenue devient un parking à taxis. Des dizaines de véhicules sont stationnés partout, ne laissant que quelques passages pour les éventuelles urgences. Ou les conducteurs intrépides vite stoppés dans leur élan par les forces de l’ordre. De-ci de-là, des petits groupes entre 2 voitures ou autour d’un brasero de fortune. On m’interpelle « Tu es journaliste ? Tu travailles pour qui ? » La tension redescend lorsque j’avoue mon indépendance vis-à-vis des médias. À moins que ce ne soit l’intérêt. « Il y a une belle pancarte là, prends la en photo ! » Globalement, les esprits jouissent de l’accalmie de la nuit.
Une fois passé le barrage des fourgons de CRS, je débarque sur la place de la porte Maillot. Encore des voitures, partout, dans tous les sens. Certainement un nombre à trois chiffres. Quelques unes sont grandes ouvertes, musique à fond. Ambiance espagnole à ma droite. Raï à ma gauche. Les stands de nourriture ont manifestement fait bonne recette. Plusieurs feux, pour réchauffer les corps et le thé. « Tu travailles pour qui ? Ah mais tu fais de la photo de rue ? C’est bien ça. Montre aux gens ! » Moi qui craignais des réactions vives, c’est finalement de l’indifférence ou de l’enthousiasme qui me sont adressés.
– Tiens, prends !
– Euh, j’ai déjà mangé…
– Prends !
Sans avoir le temps de comprendre, je me retrouve avec une salvatrice grillade toute chaude dans la main. « Pars pas, le thé est en train de chauffer ! » En guise de dessert, je goûte le narguilé dont on me vante la saveur. Rires. Manifestement, je ne fume pas correctement. Après explications, j’apprécie la chicha notoirement différente des daubes à la pomme que l’on a l’habitude de rencontrer.
« Ils ne s’attendaient pas à ce qu’on tienne. » Mi dépités, mi triomphaux, quelques taxis m’assurent que le mouvement va continuer ; en fait il se dissipera dès le lendemain. Si le ras-le-bol est commun, les opinions divergent. J’entends un « De toute façon, on est contre le gouvernement » suivi d’un silence gêné. Un taxi à l’allure orientale vient me parler, navré, d’un drapeau élogieux pour Marine. Finalement, ça parle de tout mais peu du mouvement. Ceux encore présents préfèrent profiter de l’ambiance. « Il y a de la musique, il y a boire, c’est gratuit, reviens avec tes amis demain soir ! »