La Tesla Model 3 cumule les records. Voiture électrique la plus vendue au monde en 2020 et de tous les temps. Berline la plus vendue en Europe. Deuxième voiture électrique la plus vendue en Europe, derrière la Renault Zoé. Familiale la plus vendue en France. Mais que vaut donc ce best-seller produit par une compagnie même pas majeure ?
(Même pas honte du titre.)
Tesla ?
Commençons par le rouleau compresseur Tesla. Énième entreprise du génie milliardaire Elon Musk, Tesla est fondée en 2003. Sa première voiture, l’élitiste Roadster sort en 2008. Puis sa première (grosse) berline, la Model S en 2012. Poursuivant l’accessibilité de la marque, la Model 3 débarque en 2017. Elle se paie le luxe de dépasser l’historique Nissan Leaf, dont la première mouture est pourtant sortie en 2010, sur le marché mondial de la voiture électrique avec 525 000 exemplaires vendus à mars 2020. À titre de comparaison, Renault a produit 351 384 unités de sa Laguna 3 entre 2007 et 2016. Ce que tu voyais donc comme un petit constructeur exotique dirigé par un mec loufoque joue en fait dans la cours des grands. Pire, avec sa capitalisation à 392 milliards de dollars au moment où j’écris ces lignes, la firme californienne qui n’a produit « que » 367 500 voitures en 2019 a dépassé l’ancien leader du secteur, le tentaculaire Toyota Motor Corporation pointant à 10,7 millions de véhicules.
La stratégie menant au succès est simple : prendre les bonnes idées aux entreprises innovantes et dominantes, investir sinon. Retour vers Toyota, première à avoir appliqué le fameux toyotisme exporté jusque dans ta boite de services, auquel Tesla a piqué quelques idées. Citons la standardisation extrême des produits : seules 5 couleurs sont au catalogue pour l’ensemble de la gamme ; ou l’amélioration continue, qui ne s’applique pas seulement à la production, mais aussi aux voitures : elles reçoivent régulièrement mises à jour et nouvelles fonctionnalités via leur connexion data. La distribution automobile a fait son temps ? Qu’importe, Tesla fait comme Apple. La concession n’y existe pas. Chaque point de vente appartient à la marque, certains sont implantés en plein centres commerciaux, et les conseillers payés seulement en fixe réfutent être des commerciaux.
Il faut plus que des idées piquées ci et là pour avancer ? Alors Tesla investit massivement en interne. En R&D par exemple, lorsque qu’aucun équipementier n’est capable de fournir des batteries ou de l’informatique embarquée au niveau pour les exigences en autonomie, conduite autonome et infodivertissement, points sur lesquels le jeune constructeur a toujours fait figure de référence. Même topo pour les infrastructures, Tesla pouvant se targuer d’offrir le meilleur réseau de recharge avec ses 18 000 superchargeurs. Résultat inédit, Tesla fédère aujourd’hui une communauté de fans dont beaucoup ne sont pas de traditionnels bagnolards. D’ailleurs, nombre de ces bagnolards voient d’un mauvais œil tout ce soudain progrès. Bon signe sans doute ?
Model 3 ?
La Model 3 est le 3e modèle de grande série de Tesla après la grande berline S et le gros SUV X, et avant un petit SUV Y déjà sorti aux US et arrivant en Europe fin 2021. Elon Musk voulait une gamme S3XY, et il y arrive drôlement bien. Et comme il souhaite que le plus de monde roule en électrique, en particulier en Tesla, sa compagnie nous a pondu le concept de l’essai découverte. T’es pas acheteur, t’as pas les sous, mais tu veux quand même poser ton séant dans une Tesla ? Avec plaisir qu’on te répond, en te prêtant pour l’occasion le modèle de ton choix pour une trentaine de minutes. Ce qu’a donc fait ton fidèle serviteur un matin de septembre. Court pour essayer la voiture et préparer un article, surtout quand l’appareil décide de tomber en panne pendant la session, mais impossible n’est pas McalP. Voici donc de quoi immortaliser le modèle juste avant sa première évolution majeure qui arrive en magasin dans les semaines à venir. Oups.
Toyota, Apple et Ikea dans ta bagnole
Berline de 4,70 mètres, la Model 3 apporte une petit vent de fraicheur fort bienvenu sur le tristement classique segment des familiales. Elle lorgne sur la frange premium, à savoir l’inénarrable trio Audi A4 – BMW Série 3 – Mercedes Classe C. La Tesla nous gratifie d’une personnalité qui lui est propre avec une ligne atypique et des détails sympathiques, sans verser dans une originalité excessive. Alors que j’avais prévu de saisir les problèmes d’assemblages dont la presse et les détracteurs se sont gargarisés à la sortie, force est de constater que le constructeur a su corriger le tir. La finition extérieure s’avère désormais correcte sans être folichonne : les alignements des panneaux ne sont pas fameux et mon exemplaire de démonstration présentait un problème d’étanchéité sur un feu arrière. Ceci dit, les retours montrent que les Tesla sont (généralement) fiables, avec des prises en charge sous garantie sans (généralement) rechigner – un nouvel emprunt à Toyota ? La garantie est d’ailleurs exemplaire : 4 ans ou 80 000 km pour le véhicule, 8 ans ou 160 000 km pour le groupe motopropulseur, y compris la batterie.
Passons aux choses sérieuses et regardons sous le capot ! Et nous y trouvons ? Un coffre. Ah. Et à l’arrière ? Un coffre aussi. Bon. Passons donc à l’intérieur. La berline offre donc 2 coffres, pour un total de 542 litres, grâce aux moteurs électriques moins encombrants que les thermiques et aux batteries placées sous le plancher. Ce qui compense une ouverture du coffre arrière bien peu pratique et qui offre la douche à ce qu’il contient lors de l’ouverture sous la pluie. Et l’habitacle ? Une pièce maîtresse dont nous gratifie Tesla. Oublie tous tes repères, voici le constructeur qui a changé de siècle en premier. Au revoir mobilier tarabiscoté et multiples boutons, place à un intérieur épuré et zen. Oh, il reste bien quelques boutons éparts, pour les portes, vitres, feux de détresse, sièges électriques et raccourcis au volant. Et deux commodos. C’est tout.
Tout le reste se commande depuis la tablette de 15 pouces qui trône au milieu de la planche de bord. L’ergonomie est déroutante au début ; la génération smartphones s’y fera. Pour ma part, j’avoue préférer disposer de plus de commandes physiques. Néanmoins, la grande taille de la dalle et les menus bien pensés m’ont permis de trouver ce que je désirais sans trop quitter la route des yeux. Seulement une question d’habitude pour savourer cet intérieur bigoût IkeApple ? Au final, peu importe qu’un certain public se plaigne d’une qualité de fabrication moindre que la concurrence et d’une ergonomie inhabituelle. Ce que cible Elon Musk, c’est une clientèle dont l’appétence gravite autour de la nouveauté et de la technologie plutôt que de la qualité perçue et du symbole extérieur de richesse. Ou comment marcher sur les plates-bandes des constructeurs allemands avec une stratégie radicalement opposée.
Et sinon, ça déménage ?
(Ikea. Déménage. Tu l’as ? Et ? Non ? Tant pis.)
Premiers tours de roues. C’est comme… une voiture normale. Le silence en plus. Seuls les bruits d’air viennent troubler la quiétude de l’habitacle lumineux. Le confort de suspension est étonnamment bon, malgré la généreuse monte pneumatique en 20 pouces de cette version Performance. Grâce au centre de gravité bas, les ingénieurs ont pu assurer une bonne tenue de route avec des suspensions souples. Aidés par quelques géniales fonctionnalités, comme le planificateur de trajet tenant compte de la décharge et des points de recharge sur le trajet, ou l’autopilot (qui n’est pas un vrai pilote automatique mais reste le système d’assistance le plus avancé du marché) les trajets ne sont que de simples formalités. Seuls les moteurs électriques, aux douceur et docilité exemplaires semblent un chouïa mous eu égard à la fiche technique.
[Mode sport]
Avant Tesla, la bagnole électrique possédait deux écueils ancrés à juste titre dans les esprits : performances molles qui ne durent pas. (Anti-titre.) Long story short : ce n’est pas le cas ici. Trois versions de la Model 3 existent, chacune avec un niveau de puissance et d’autonomie plus que convenable. Les autonomies officielles s’échelonnent de 430 à 580 km. Dans la réalité ce sera moins. Mais Tesla a son joker : le superchargeur. Dans sa version 3 en cours de déploiement, il charge la voiture de 0 à 50 % en 12 minutes, de 0 à 80 % en 27 minutes, et lui fait le plein complet d’électrons en 1 heure (la charge ralentit au fur et à mesure que la batterie est chargée, comme sur ton téléphone.)
Quant aux performances ? Le constructeur ne dévoile plus la puissance de ses véhicules – comme chez Rolls-Royce à l’époque, elle est « suffisante ». Dans les faits, la version de base Standard Plus estimée à environ 300 chevaux avale le 0 à 100 km/h en 5,6 secondes, la version Performance à plus de 500 chevaux en 3,3 secondes. À titre de comparaison, c’est un dixième de mieux qu’une Audi R8 V10 Quattro à 180 000 €. Tout aussi incroyable que la performance est la façon dont elle est délivrée en mode sport : c’est incroyablement brutal. Et marrant. À la moindre sollicitation de l’accélérateur, la voiture bondit instantanément. Déconcertant. Et très, très marrant. L’adhérence est phénoménale, la combinaison de l’électrique et de l’électronique pouvant envoyer la puissance là où faut quand il le faut. Les suspensions souples rendent les mouvements de caisse plus amples qu’attendu, mais la voiture reste rivée au sol avec des réaction progressives et prévisibles, autorisant même quelques petits jouissifs survirages. Les pistards devront passer sur de la pièce performance pour palier cette souplesse et l’endurance limite des freins en conditions extrêmes, mais pour les pimpins comme moi qui veulent avoir la banane entre 2 ronds points ou sur une départementale, c’est adéquat. Certains journalistes préfèrent même cette Tesla Model 3 Performance à la sacrosainte BMW M3. Excuse du peu. Mon enthousiasme relate.
[Mode normal]
Et toutes les commandes redeviennent ouatées. Jamais conduit une voiture thermique offrant une telle différence entre ses modes de conduite. Pour une fois, ce gadget n’en est pas un.
Design



C’est joli. C’est bien conçu. C’est original mais pas trop. Le juste milieu entre fonctionnalité et démarcation ?
Attrait technique



Résumons. La Tesla Model 3 est une bagnole électrique. Qui avance. Loin. Qui s’appuie sur un réseau de superchargeurs. Bourrée de fonctionnalités que j’ai même pas la place d’évoquer. Il y a même un coussin péteur intégré à l’écran. Oui. C’est génial. On peut même remplacer le tic tac du clignotant avec des bruit de pets. Rép à ça les autres constructeurs !
Boum, carton plein.
Accessibilité



Disponible entre 49 990 et 75 590 €, la Model 3 n’est pas donnée en soi, vivement les futurs modèles plus abordables. Cette fourchette lui accorde 1 miam.
Comparée à la concurrence ? Elle est dans les clous. Comparée à la concurrence thermique ? Son coût d’utilisation et sa facilité d’entretien (l’entretien ? quel entretien ?) sont imbattables. Un miam bonus. Voici d’ailleurs ce qu’en dit Texla, un taxi qui roule en Model 3 :
La version présentée dans cet essai coûte 74 540 € sur le configurateur Tesla.
Facteur miam







En résumé. Je lui trouve des défauts, comme son prix encore élevé même en occasion, son manque de personnalisation, son inadéquation avec mon usage en road trip. Finition et ergonomie pour certains aussi.
Mais. L’an dernier j’ai fait un peu de convoyage automobile, ce qui m’a donné l’occasion de prendre le volant de « premiums » thermiques. Aucune ne m’a autant amusé et donné envie que la Tesla Model 3 à la fois sérieuse et fun, Dr. Jekyll et M. Hyde. Cette voiture est étonnamment aboutie, ce qui est d’autant plus une gageure vu l’âge du constructeur. Quinze points au miam-o-mètre, GG Elon.
Et toi, les Tesla ou la voiture électrique en général, ça te parle ?
Merci à Anne pour les conseils d’écran de fin de vidéo.