Je sais pas si tu as entendu parlé. Il paraît qu’un couple de saltimbanques dans l’art contemporain a emballé un vétuste monument parisien. E que s’apelerio l’Arc de Triomphe, Wrapped. Ou l’Arc de Triomphe, empaqueté, en VF. Bon, direction place Charles-de-Gaulle !
Au début, je me fichais de ce non-évènement au plus haut point. Après tout, je le connais ce monument, je passe devant une fois par semaine. Alors si c’est juste pour le voir emballé comme un jambon dans son torchon, bof ; je ne m’appelle pas Karadoc. Et je m’y suis déjà perché après tout.
Puis j’ai vu les réactions engendrées. Oh là là, comme il y en a eu du boomer pas content ! Que le projet ne plaise pas, je le conçois. Que certain(e)s aillent jusqu’à éprouver des ressentiments de honte, de révolte, de patriotisme, et se lancer dans des logorrhées postillonnant de gros grumeaux de réactionnisme ? Pour un projet éphémère ? Ces gens ont définitivement trop d’énergie à perdre. Et moi aussi, puisque je suis allé voir de mes yeux vus cet Arc de Triomphe empaqueté. Après tout, si ça fait chier du vieux con, y’a moyen que ça me plaise.
C’est autour de quoi tout ce foin au fait ? Déjà c’est autour du couple Christo et Jeanne-Claude. Pas Christo tout seul. D’ailleurs Jeanne-Claude se plaisait (ou pas) à répéter « Ce n’est pas l’œuvre de Christo, c’est l’œuvre de Christo et Jeanne-Claude. » Mais bon, on connaît la propension de l’histoire des hommes à oublier les femmes. Et leur truc à ces deux-là, c’est empaqueter. Empaqueter beaucoup. Et de façon éphémère : « L’urgence d’être vu est d’autant plus grande que demain tout aura disparu… Personne ne peut acheter ces œuvres, personne ne peut les posséder, personne ne peut les commercialiser, personne ne peut vendre des billets pour les voir… Notre travail parle de liberté. » d’après Christo. Quant au vocabulaire, l’empaquetage, plutôt que l’emballage, est de mise « car dans ce mot il y a l’idée du voyage, du déplacement ; quelque chose de fugitif et nomade » explique Anaël Pigeat, journaliste et critique d’art. Que tu sois d’accord ou pas, au moins il y a un discours qui se tient derrière la démarche.
Cette fois-ci, le couple a fait empaqueter, et non emballer donc, l’Arc de Triomphe de manière posthume. Puisque Jeanne-Claude et Christo, décédés respectivement en 2009 et 2020, n’auront pas vu leur dernière œuvre dont la génèse remonte à 1962. Monumentale l’œuvre, d’ailleurs. Mine de rien, on parle de 25 000 m² de tissu argent-bleuté vaporisé à l’aluminium (soit 2,5 hectares) et 3 000 mètres de corde rouge, le tout en polypropylène. On nous promet réutilisation, recyclage ou upcyclage de tout ça, sans toutefois apporter d’autres précisions. Quant aux autres matériaux, 40 % de l’acier utilisé emprunté à Arcelor-Mittal est retourné au fournisseur, le bois est récupéré par les charpentiers de Paris. Propre. Un dernier chiffre ? Le projet aura coûté 14 millions d’euros, entièrement financé par des fonds privés. Tchip les rageux(ses).
Un autre chiffre pour la route ? Avant même la fin de l’œuvre, 820 000 visiteur(se)s ont été comptés dans le périmètre. En comptant les alentours, on pense même dépasser le million. Une jolie performance illustrée par les clichés sur le site des artistes et par l’enthousiasme général qui se dégageait sur place. Les gens regardent, discutent, lèvent les yeux, photographient, approchent, touchent, contemplent de plus loin, échangent les uns avec les autres, avec les représentants de la fondation. Seul(e)s les photographes se comportaient comme des connards à régner sans partage sur les bons spots. Tu m’étonnes qu’on soit une profession parfois mal-aimée avec ces comportements méprisants. Mais à part ce petit ramassis de raclures, malgré la froidure de ce soir d’automne, l’œuvre a atteint son objectif : brasser les gens et les avis. Pour Christo, « Il n’y pas de message. Qu’elle soit critique ou positive, toute interprétation est légitime. » Et votre serviteur de se faire emporter par l’ambiance qui avait un délicieux goût d’imaginaire.
Site de Christo et Jeanne-Claude, page Wikipédia de Christo et Jeanne-Claude, page Wikipédia de l’Arc de Triomphe, Wrapped.
De Bretagne, je vois que tu ressorts aussi et je trouve tes photos aussi belles, interpelantes.
Je t’embrasse et à bientot avec d’autres photos
Merci Sophie 🙂